La Sainte
Aprés Casablanca et Rabat,voilà Marrakech qui intégre la communauté Medville..
Première Merrakchi à y adhérer..Daous(un pseudo)..
Désormais,l'équipe de Medville comptera 18 membres..Vivement le blog des Carabins Marocains
Je vous invite à lire le premier texte de Daous..vraiment elle commence très fort Boumaalif
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La Sainte
Je vous raconterais la sainte, la femme qui porte en elle 3 religions, la musulmane réfléchie, la juive modérée et la catholique indulgente, la femme qui a 5 mères : sa vraie mère mais pas celle qu’elle préfère, sa mère Radia la marocaine qui l’a élevée, sa tante Bridgette, les deux autres mères sont le Maroc et la France. Je vous raconterais la marocaine de cœur, la française d’esprit, la bohème à l’âme bergère charmée par la féerie du Maroc…
J’ai pris le risque de la rencontrer bien que ma prof m’en a empêchée : touchez pas à cette patiente, c’est la mienne ! C’est une patiente très délicate et en plus c’est une française !!!
Mais moi, pour l’incurable, l’entêtée, la curieuse et l’irraisonnée que je suis, je me suis foutue royalement des menaces du chef… moi pour la petite externe que je suis, une externe aussi ridicule que moi a eu le culot de transgresser la nouvelle loi du service : Matqisch m’rid diali (touchez pas à mon patient) loi égoïste et cruelle imposée par une minable mégalomane rien que pour rendre l’existence encore plus agréable aux pauvres externes.
Alors je suis partie voir la patiente « délicate », je l’ai abordée timidement :
- Madame, en fait moi, je suis venue vous voir, pas en tant qu’étudiante en médecine mais juste pour causer un peu avec vous.
Elle m’a regardée, surprise, m’a balayée rapidement de haut en bas et de bas en haut avec de beaux yeux noisettes.
- Oui oui, pas de problèmes…
- Alors racontez moi ce que vous ressentez, ce qui vous est arrivé…j’avais l’impression l’autre jour que votre malaise est plutôt spirituel non ?
Elle m’a regardée sans dire un mot, les yeux grands ouverts, je compris que je suis en train de transgresser les règles, je parle d’une manière qui n’a rien à voir avec un entretien psychiatrique.
- Ah oui ! En fait tu sais, je m’appelle pas Yaël comme sur le dossier, mon nouveau prénom c’est Nayla, Nayla veut dire Yaël en arabe, je me suis convertie en islam, regarde mon alliance, je me suis mariée avec un musulman, mais ça personne ne le sache !
Puis elle est parti dans tous les sens, m’a parlée de son boulot de journaliste puis de ses avortements à répétition, des hommes arabes qu’elle a aimé et qu’ils l’ont quittée, de ses amours brisés, inachevés, désemparés, de l’enfant qu’elle a tellement aimé faire, de la déception de sa mère qui aurait aimé avoir un garçon aux yeux bleus plutôt qu’une fille aux yeux noisettes…Soudain, elle devint plus tendue et très nerveuse, allume une cigarette gauloise, aspire une bouffée et expire avec nervosité. J’ai eu peur d’un coup qu’elle me fasse une crise d’agitation et je vis la scène de la prof qui me savonne, qui me chiffonne et des externes envieux qui se régalent, je préférerais mourir et ne pas vivre cette humiliation, je commençais donc à prier : je t’en prie Dieu tout puissant fait que Yaël ou Nayla, qu’importe, ne s’agite pas…
Après un bref moment, elle a enchaîné :
- ça veut dire quoi miséricordieux ?
- Je vous demande pardon madame ?
- La miséricorde, c’est quoi? Ça veut dire quoi : Au Nom d’Allah le Clément le miséricordieux ? Ne faut-il pas dire : Au Nom d’Allah Clément MAIS miséricordieux ?
- Je ne saurais vous répondre madame…
Elle m’a faite un sourire malin de l’angle des lèvres : Tu sais, j’ai lu le coran 8 fois…
- Ah bon ?
- Oui…
- et ben Bravo madame, moi musulmane de naissance, je ne l’ai lu qu’une seule fois de toute ma vie.
Elle m’a fixée droit dans les yeux, il y avait une certaine fierté dans son regard :
- Tu cherches la définition de la miséricorde, tu prends le dictionnaire et tu cherches.
- Et c’est quoi la définition ?
- Ben cherche, je te dirais pas.
Après elle m’a parlée de la liberté, c’est quoi la liberté ? Sommes-nous libres ? je me sentais si proche de cette âme errante ici prisonnière, dans un asile de fous, dans un pays qui n’est pas le sien, dans un corps si sublime…une âme qui a soif de liberté, prisonnière dans un corps, dans un asile, dans un pays…j’avais besoin d’entendre ses mots, ses maux, je m’y trouve quelque part, dans cette mélancolie pensive, personnage de roman, on dirait qu’elle sort tout droit du roman de Tahar Ben Jelloune « l’auberge des pauvres »…je l’écoutais, l’observais, l’enviais des fois car elle avait ce courage d’aller jusqu’au bout d’elle-même, elle avait cette bravoure de porter l’étiquette de folle…je me laissais emporter par son histoire banalement triste, tristement banale et qui n’est autre qu’un enchaînement d’injustices, de terribles injustices…
- Madame, il est midi et je dois partir, c’était un moment de plaisir de vous parler.
Elle me fait un clin d’œil et me dit : au fait, t’as lu « le Zahir » de Paulo Coelho ?
- Non madame.
Elle me sourit :
- Essaye de le lire.
Je me suis achetée « le
Zahir » de Paulo Coelho et y trouve l’explication de la notion de liberté dans
les premières pages, j’ai cherché aussi la définition de miséricorde dans le
Petit Robert…la Liberté et la Miséricorde, le seul
fait de consacrer un moment pour en parler et pour tenter d’en trouver une
définition nécessite une paix avec soi-même...voilà c'est donc cette paix que
je vous souhaite, que je me souhaite et souhaite à tous!
Signé :
Daous.
NB. Pour lire un extrait du roman « le Zahir » de Paulo Coelho : http://www.lezahir.com/home.php
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